lundi 19 mars 2012

Scaramélenchon

Un tweet de David Lisnard me donne l’occasion de parler d’un de mes films de cape et d’épées préférés, le « Scaramouche » de Georges Sidney .

Ce film réunit, à une période légèrement antérieure à la Révolution Française quelques monstres sacrés du cinéma noir américain, le gentil Stewart Granger, le méchant Mel Ferrer (Monsieur Audrey Hepburn et remarquable salopard dans la lignée des Richard Widmark ou des Lee Marvin) et les admirables Janet Leigh et Eleanor Parker.
Noël de Maynes utilise ses dons d’escrimeur pour éliminer tous ceux qui lui déplaisent – et ils sont nombreux- ou qui déplaisent à sa royale cousine, l’amatrice de brioche, Marie-Antoinette.
Il croisera le fer et expédiera ad patres un écrivain révolutionnaire, Marcus Brutus, incarné par Oscar Goldman … non Richard Anderson qui s’avérera être un jeune noble qui remet en cause la monarchie absolue de droit divin. Plus que ses écrits, c’est le fait qu’il joue contre sa classe qui déplait souverainement au Marquis de Maynes !
La suite du film raconte la vengeance du meilleur ami, André Moreau de Marcus Brutus avec tous les ressorts du roman-feuilleton cher à Dumas : le jeune homme en question est le frère caché de Noël de Maynes, mais se croit le bâtard du Comte de Gravillac qui a endossé la faute de son ami De Maynes. Le problème c’est qu’il ne peut pas aimer Aline de Gravillac et donc joue au docteur non conventionné avec une actrice de la troupe qui joue Scaramouche.

Le film vaut pour le rythme échevelé que Sydney impose et aussi par le jeu fluide et bondissant des deux principaux protagonistes qui passent leur temps à se défier en duel en alternant des scènes de comédie tant sur la scène de théâtre où se joue Scaramouche que dans les bancs de l’Assemblée : De Maynes et Moreau défiant en duel leurs adversaires politiques pour les empêcher d’être présents.
Alors, certes, c’est une œuvre de fiction, made in Metro-Goldwyn-Mayer. Mais, peut être y a-t-il un soupçon de réalité derrière ? peut être n’est-il pas nécessaire d’être au RSA ou SDF pour adhérer aux thèses du Parti de Gauche ? Peut-être doit-on déroger aux privilèges de sa classe ou de sa catégorie socioprofessionnelle pour se battre pour ceux qui ont moins ?
Et puis, quand bien même, ça reste un sacré bon film, avec une scène de duel final d’anthologie !
Pardonnez-moi d’être foutrement moyenâgeux comme disait le poète moustachu et bourru, mais qu’est ce que j’aimerais le voir sur un grand écran dans une belle salle d’un beau multiplex !

mercredi 14 mars 2012

Un Humano est mort


Jean Giraud vient d’acheter la ferme. Son décès laisse un trou incommensurable dans le paysage de la BD francophone voire mondiale. Quelques lignes pour un rapide – et forcément incomplet- survol de l’œuvre de ce grand créateur.
En 1956 paraissent les premières planches du jeune Jean Giraud dans des journaux comme « Ames Vaillantes », « Cœurs Vaillants », « Fripounet et Marisette », …. Force est de constater que l’on est encore loin de ce que son dessin deviendra par la suite.

En 1958, c’est la rencontre avec Jérôme Gillain dit Jijé et de début d’un « apprentissage collaboratif » fructueux. Le maître confie à l’élève quelques pages de « La piste de Coronado », l’épisode de Jerry Spring qu’il réalise pour « Spirou ». En revanche, Jijé réalisera la couverture du premier « Fort Navajo » ainsi que quelques planches du « Cavalier perdu ».


En effet, pour Pilote, dès 1960, Jean Giraud dessine « Fort Navajo », une série plus connue aujourd’hui sous le nom de Lieutenant Blueberry. Partant des aventures échevelées d’un sosie de Belmondo, Blueberry va devenir le western de référence, puisant ses influences à la fois dans le western classique à la John Ford que dans le western spaghetti. Servi par une des Rolls du scénariste, Jean Michel Charlier, qui marche sur les traces des grands feuilletonistes du XIX°, Giraud va peaufiner son trait, en faisant un monument du dessein réaliste, souvent imité, rarement égalé. Chargé de pointillisme au départ, il évoluera vers un dessin s’épurant au maximum gagnant ainsi en puissance évocatrice. Le Blueb de Giraud peut entrer dans la légende des grands maîtres du noir & blanc de Milton Caniff à Jijé !



Très tôt et, parallèlement à sa carrière de westernern, la schizophrénie tendance artistique gagne Jean Giraud. Il y a dans sa tête de « dangereuses visions » qui le poussèrent à s’inventer un double, Moebius.
En 1969, c’est une série d’illustrations pour des bouquins de SF des éditions « OPTA », que ce soit pour le « Club du Livre d’Anticipation » ou pour « Galaxie Bis ».


Puis vient l’explosion graphique qui coïncide avec l’apparition de l’OVNI « Métal Hurlant » qui dynamite le paysage de la presse bd francophone. « Arzach », l’oiseau majestueux et silencieux, « le Bandard Fou », le » Major Fatal » et son Garage Hermétique, ….sont autant de pavés lancés dans la mare tranquille de la BD franco-belge. Sa soif d’innovation, son envie de pousser des portes est partagée par un lectorat curieux et avide de découvertes et de nouvelles sensations littéraires.

Ces excursions dans la SF vont l’amener à sa consécration. Consécration pour le grand public avec notamment un space opéra mythique et déjanté, la saga de l’Incal avec Jodorowski, qui deviendra un de ses grands complices. Consécration pour sa collaboration avec de grands noms du 7° Art : Ridley Scott pour « Alien », James Cameron pour « Abyss », Luc Besson pour « Le 5° élément », …….


Moebius devient une légende : il travaille avec Stan « The Man » Lee sur une aventure du Surfer d’Argent, le plus européen des super-héros et reçoit prix et distinction.
Mais surtout son œuvre devient galactique avec l’aventure « Starwatcher et « Stardom ». Ce n’est plus de la bd proprement dit mais de l’illustration zen distillée dans des romans graphiques bd quelques fois plus proche de l’Art Contemporain que des « petits mickeys ».
Autant dans Blueb’, il y a une trame directrice. Le dessinateur met sa virtuosité graphique au service de cette histoire. En revanche, quand c’est Moebius qui est aux commandes, l’histoire n’est qu’un prétexte pour illustrer sa philosophie teintée d’ésotérisme.



Toutes les images ont été honteuses barbotées au nez et à la barbe de Hadopi !